Au coeur de l'Autre bord du lac - 1943

Au coeur de l'Autre bord du lac - 1943
Source: BAnQ - détail d'une carte postale 1943 - numérisation Gaston Gravel

samedi 10 mai 2014

Carmen Duplantie

Carmen Duplantie, quel beau nom que celui de ma mère.

Carmen Duplantie - 1949

Ma mère est arrivée sur la rue Saint-Augustin en 1951, au bras de son mari, Lucien Jutras.  Elle était née en 1926 à Hawkesbury en Ontario mais elle connaissait déjà l'Autre bord du lac pour y avoir visité, lorsqu'elle était plus jeune, sa tante Gracia, mariée à Oscar Dicaire, les voisins de son futur époux.  (Voir l'article Les Dicaire)


Lors d'une visite à La Tuque en 1944
pique-nique sur le bord de la rivière Saint-Maurice à la hauteur de Rivière-aux-rats
de gauche à droite et de bas en haut
Monique Leroux, Marguerite Dicaire, Yvette Hamel
Jacqueline et Madeleine Dicaire et Carmen Duplantie en haut de la pyramide
Debout:  Gabriel Dicaire


Hawkesbury avait une population comparable à celle de La Tuque et comme elle, une rue commerciale ainsi qu'une usine de la C.I.P.   Mon grand-père, Hermas Duplantie, y travaillait comme mon grand-père paternel l'avait fait lui aussi, mais à La Tuque au temps de la Brown.



La rue principale de Hawkesbury - 1939
Source:  Bibliothèque publique du canton de Russel


L'usine de la Canadian international paper
à Hawkesbury - 1940
Source:  Bibliothèque publique du canton de Russel

Hawkesbury et La Tuque se sont aussi partagé le même chef des pompiers puisque mon arrière-grand-père maternel, Jos Parent, a occupé cette fonction à La Tuque au milieu des années '20 avant de retourner chez lui à Hawkesbury.


Le chef Jos Parent,
entouré de ses hommes en 1922 à La Tuque
Source:  The Brown bulletin, Berlin NH, novembre 1922

Nora Parent et Hermas Duplantie avaient eu onze enfants:  Odette, Carmen, Raymond, Lucille, Hélène, Rita, Suzanne, Monique et Andrée.  Deux étaient décédés en très bas âge, Conrad et Michel.  Mes grands-parents habitaient une toute petite maison sur Main street à Hawkesbury dont la cour arrière donnait sur la rivières des Outaouais.

Hermas Duplantie et Nora Parent
vers 1924

Ma mère fit ses études à l'école normale d'Ottawa où elle obtint un brevet d'enseignement...


Vers 1945 à l'école normale d'Ottawa

 et elle enseigna par la suite à l'Académie Saint-Joseph de Hawkesbury...


L'Académie Saint-Joseph
Source:  Bibliothèque publique du canton de Russel

à des groupes de garçons de deuxième année.


Groupe d'élèves - 1951
Source:  Bibliothèque publique du canton de Russel

Lorsque ma mère arriva à La Tuque en septembre 1951, elle s'installa avec son mari dans la maison de la rue Saint-Augustin où mon grand-père habitait encore.

Dès le mois d'octobre, mes grands-parents Duplantie vinrent lui rendre visite et voir comment elle était installée.


Mon grand-père Duplantie avec son frère Léo sur le perron
de la maison de la rue Saint-Augustin -  1951

Sur le point du retour pour Hawkesbury - 1951

Ma mère et ses parents avant leur départ - octobre 1951

Ma mère a consacré sa vie à sa famille, ses enfants et son mari.  Ses voisines étaient Dorothy O'Farrell (mariée à Rodolphe Mercier), Rita Tremblay (mariée à Clément Fortin), Berthe-Alice Gravel (mariée à Léger Martel) et un peu plus tard, Suzanne Carpentier (mariée à François Frigon).

Je suis né en 1952 et j'étais le premier de ses enfants.  Ma soeur Céline a suivi, puis mon frère Jacques et mes soeurs Danièle et Lucie par la suite.

Dans la cuisine de la maison
de la rue Saint-Augustin - 1952

Les pique-niques que ma mère organisait étaient parmi nos activités préférées, surtout ceux du p'tit lac où tout le monde pouvait se rendre à pied.


Une scène à l'italienne ou presque ...
ma mère assise enceinte de ma soeur Céline
et mon grand-père appuyé sur le dossier de sa chaise.


Nous allions à Hawkesbury deux fois par année;  habituellement à Pâques et une deuxième fois, pendant l'été dans le "temps des foins".  Ma mère était particulièrement heureuse de ces voyages qui lui permettaient de retrouver les siens.

Sur la galerie avant de la maison de Hawkesbury
avec mon frère Jacques, moi et ma soeur Céline - 1956



Dans la cour chez sa soeur Odette
à l'Orignal


Nous allions aussi de temps en temps à Saint-Roch-des-Aulnaies où mon père avait de la famille dont son cousin Louis-Albert Duval qui habitait, avec sa famille et sa mère, une immense et belle maison ancestrale et possédait trois petits chalets d'été sur le bord de la grève à l'Anse aux marins.


Mes parents sur les rochers près de la grève.


Devant un des petits chalets de l'Anse aux marins

À l'époque où mon père était le gérant du magasin Coop, mes parents avaient une vie sociale assez active:  Chambre de commerce, Comité des loisirs Coop, Harmonie de La Tuque.  Ma mère avait de bonnes amies parmi les personnes qu'elle côtoyait lors de ces sorties.



Au centre, ma mère et à sa gauche, son amie Jeanne Lortie


Après mon départ pour le Séminaire de Nicolet en 1967, ma mère est retournée pendant une courte période à l'enseignement en faisant surtout de la suppléance à l'école Marie-Médiatrice.  De l'avis de plusieurs, elle était très bonne enseignante et beaucoup aimée de ses élèves.

À l'automne 2013, elle a reçu une lettre d'un ancien élève de l'Académie Saint-Joseph de Hawkesbury à qui elle avait enseigné à la fin des années '40.  Il avait réussi à la retrouver, soixante-cinq ans plus tard, et à lui écrire pour lui dire comment elle avait marqué son enfance et son éducation comme enseignante.



Photo Jacques Jutras - 2008



Dans mon recueil L'Autre bord du lac publié aux Éditions d'art Le Sabord en 2011, j'ai écrit ce texte pour elle.




L’absence

Depuis quelques jours
ils étaient quatre
le plus vieux n’avait que six ans

il y avait bien le père et le grand-père
mais la mère n’y était plus

après avoir mis au monde
le quatrième de ses enfants
elle était partie, disait-on
se refaire une santé

avec courage
le père avait placé les trois derniers
alors que le plus vieux
troisième génération
allait rester avec lui

parfois, tous les deux
lui, jouqué sur un oreiller
côté passager
ils partaient pour Montréal
dans le Ford Custom ’52

elle était là, à la fenêtre
d’un hôpital sans doute
depuis le stationnement
il lui envoyait la main
puis elle disparaissait
alors le père lui rapportait 
des bricolages 
qu’elle avait faits
et des lettres 
qu’elle lui avait écrites

le jour de sa rentrée à l’école
alors que les autres garçons 
pleuraient leur séparation
lui
pourquoi l’aurait-il fait

l’absence s’installa à demeure

à l’école on lui apprenait
images à l’appui
que l’éternité, c’est long
toujours, jamais, toujours, jamais

puis un jour, comme ça
au début d’un été
alors qu’il faisait beau
l’éternité a pris fin

en rentrant de l’école
il la vit
sur la galerie
elle était là
dans sa robe bleu pâle en tissu crêpé
avec un collier en fausses perles de plastique orange


mais qu’est-ce qu’elle était belle


©  Michel Jutras