Au coeur de l'Autre bord du lac - 1943

Au coeur de l'Autre bord du lac - 1943
Source: BAnQ - détail d'une carte postale 1943 - numérisation Gaston Gravel

mercredi 8 octobre 2014

Le ski

C'est mon père qui m'a appris à skier.


Mon père Lucien Jutras, dans la cour arrière
de notre maison sur la rue Saint-Augustin
vers 1950


Je devais avoir cinq ans lorsque j'ai eu en cadeau mes premiers skis "Chalet" en bois.  Mes bâtons étaient en aluminium avec des grosses roulettes et des dragonnes en cuir rouge.  Je n'avais pas de bottes de ski et les fixations ou plutôt les attelages étaient en cuir et métal.  Je portais des bottines de feutre dans des bottes de caoutchouc.  Les vêtements de ski n'existaient pas pour les enfants;  je portais donc mon gilet de hockey des Rangers, mes culottes de laine et mon casque en cuir.


Dans l'entrée du garage - vers 1957


C'est dans la cour arrière de nos maisons que nous apprenions d'abord à skier ou plutôt à glisser sur nos skis.


Cour arrière d'une maison de la rue Saint-Georges
Photo:  Studio Genest - non datée
Source:  Gaston Gravel


Photo:  Studio Genest - non datée
Source:  Gaston Gravel

Photo:  Studio Genest - non datée
Source:  Gaston Gravel


Quelques années plus tard, mes parents m'offrirent à Noël une deuxième paire de skis "Chalet", toujours en bois, sans carres mais avec de meilleures fixations.  Ils m'offrirent aussi des bottes de ski Samson, en cuir noir avec des lacets rouges.  Et là, j'ai vraiment commencé à faire du ski!

Mon père m'y amenait souvent.  On skiait ensemble, parfois le soir en semaine.  J'aimais vraiment ça.     

J'étais bien fier de mon nouveau gilet du CH avec la tuque assortie.  Mais, il a fallu qu'un préposé au T-Bar me dise un jour:  "Aie, ti-gars, t'es pas à l'aréna icitte !"  Mon orgueil en a pris un coup.  Je n'avais jamais remarqué que mon accoutrement n'était pas correct pour le ski... Ça m'avait blessé profondément.



Avec mon père devant la maison familiale
Vers 1960

Puis, le Noël suivant, comme cadeau, mon père a fait installer des "steel edges" sur mes skis de l'année précédente.  Aujourd'hui ça paraît ordinaire comme cadeau mais pour moi, je venais de graduer chez les bons skieurs:  mes skis avaient des carres!  Wow!

Les années ont passé et mes skis aussi... 





Entre 1962 et 1967,  j'ai eu des Gresvig en bois laminé, des Blizzard Consul et des Blizzard Sport avec des fixations Cubco...




... et en 1968, des Blizzard Metall, les mêmes avec lesquels Christl Haas avait gagné la médaille d'or en descente aux jeux Olympiques d'Innsbruck en 1964.


Christl Haas sur des Blizzard Metall
aux Olympiques d'Innsbruck en 1964
Médaille d'or en "downhill"
Source:  www.gearx.com

J'avais réussi à me payer ces beaux skis avec l'héritage que mon grand-père Albert m'avait laissé à sa mort en septembre 1968.  Je les avais achetés chez Arthur Harvey et ça m'avait coûté 260$ (200$ pour les skis et 60$ pour les fixations Nevada - Marker et les longues courroies en cuir rouge)...  260$ en 1968 !





Mon ami Richard Mongrain en avait "des pareils" et  Dieu que j'étais fier !

Sam "Pic" Côté, qui skiait lui aussi sur des Blizzard Metall rouge, avait un style que j'aimais beaucoup et que, ma foi, j'ai conservé toute ma vie.  

Hiver 2014 sur les pentes du Relais à Québec

À cette époque, j'avais aussi beaucoup d'admiration pour les performances en compétition de Pierre Aubé, Gilles Cournoyer, Michel Garceau et Gilles Lacroix.  Ils étaient des skieurs modèles pour moi... et bien d'autres... dont plusieurs filles de mon âge!

Pierre Aubé, Michel Garceau, Gilles Cournoyer, Fernand Lemay
Championnat 1964
Source:  La Tuque, des gens, des lieux, des époques
Affichage original:  Michel Garceau

Mais mon idole en ski c'était Jean-Claude Killy, lui qui avait remporté sur des skis Dynamic VR17 trois médailles d'or aux Jeux olympiques de Grenoble en 1968.



Jean-Claude Killy en slalom
Jeux olympiques de Grenoble en 1968
Source:  www.olympic.org


Jean-Claude Killy (médaille d'or) avec Guy Perillat (médaille d'argent)
en descente aux Jeux olympiques de Grenoble, le 12 février 1968
Source:  www.olympic.org

C'est équipé de mes nouveaux skis Blizzard Metall que je suis parti un jour pour le mont Sainte-Anne avec mon père et mes deux amis de ski, Richard Mongrain et Jacques Richards.


Chez Roger Mongrain, le frère aîné de Richard, à Québec sur la rue Belvédère
De gauche à droite:  Jacques Ricards, Richard Mongrain et moi
Le Pontiac Laurentien de mon père avec un système maison de support pour les skis
En février 1969

En février 1969, devant le mont Sainte-Anne qui venait tout juste
d'ouvrir ses premières remontées dont les célèbres télé-cabines


En 2013, 44 ans plus tard, les mêmes trois gars de La Tuque
au mont Sainte-Anne

Et bien sûr, c'est à la côte de ski que j'ai rencontré ma rousse .....



Hiver 1971


Ma rousse avec ses skis Clément Rocket, ses fixations Nevada - Marker
et ses longues courroies que son père Raymond Dubord
avait fabriquées à la cordonnerie de Gagnon chaussures où il travaillait
Hiver 1971


Pantalon "pattes d'éléphant" en velours côtelé,
veste laine et fourrure de chez Dalmy's
un look d'enfer !
Hiver 1971



... et un style tellement élégant !




Juste avant le "pit" avec vue sur la ville
Source:  L'Écho de La Tuque (archives)



Tiré de mon recueil L'Autre bord du lac publié aux Éditions d'art Le Sabord en 2011...



La côte de ski

La montagne avait pignon sur rue
face à la ville
effrontée, provocante
et dressée pour le ski

pas le ski de fond
où il faut pousser pour avancer
non
une vraie montagne
pour se laisser aller
se laisser prendre
une montagne
pour le vrai ski
alpin

très jeunes
on s’y risquait avec nos skis chalet
nos attelages en cuir
nos bottines Samson
et nos bâtons à grosses roulettes

plus vieux
équipés de jambes, de mollets et de cuisses
on l’attaquait
avec nos Blizzard Metall
montés Nevada Marker
et nos bottes Trappeur

c’était notre mont Sainte-Anne à nous
avec ses journées de ski de printemps
ses donneurs de T
ses niveleurs de pistes
ses contrôleurs de tickets
ses patrouilleurs à filles
sa tour des gardes-feu
ses heures de chalet
son juke-box pour Nino
ses divans à caresses
et ses toilettes pour histoires de vitesse

une côte de ski avec un pit 
son cap de roches au centre
toujours de glace
son côté jardin
pour le style
et son côté cour
pour les intrépides 

les spatules dans le vide
vue sur la ville
fumée des cheminées
c’est lancé
yeux qui pleurent
vent qui gèle
mollets qui brûlent
cuisses qui chauffent
skis collés
épaules désaxées
coeur qui bat
souffle court
ça descend
ça godille
ça va vite

la pente douce 
attend 
en avant
pour se laisser prendre
doucement

est-ce qu’elle me regarde


©  Michel Jutras






Aujourd'hui, je ski encore... sur des Blizzard bien sûr !