Au coeur de l'Autre bord du lac - 1943

Au coeur de l'Autre bord du lac - 1943
Source: BAnQ - détail d'une carte postale 1943 - numérisation Gaston Gravel

dimanche 9 août 2015

Monsieur Fafa

Ce vieux monsieur que mon père, encore enfant, appelait gentiment le bonhomme Fafa, cultivait un lopin de terre entre les rues Saint-Louis et Saint-Augustin, au sud de la maison des Dicaire et à l'arrière de la sienne.  

Détail d'une carte postale - 1943
Source:  BAnQ

Josaphat Provost est né à Saint-Théodore-d'Acton en 1873.  En 1912, il est à La Tuque puisque le curé Eugène Corbeil bénit son union à Marie-Jeanne Lambert à l'église Saint-Zéphirin.


Josaphat Provost et Marie-Jeanne Lambert
le jour de leur mariage
Source:  www.ancestry.ca

En 1921, lors du recensement, Josaphat habite au 57 rue Saint-Louis (aujourd'hui le 385) avec sa femme Marie-Jeanne, sa fille Anna qui a 7 ans et son fils Désiré âgé de 5 ans.  Josaphat et Marie-Jeanne ont respectivement 49 et 43 ans à ce moment.  Josaphat est propriétaire de sa maison et il habite le deuxième étage.  Il loue le rez-de-chaussée à un dénommé Marchand qui y demeure avec sa femme et ses quatre enfants.  Josaphat déclare en 1921 qu'il est journalier, probablement à la Brown, mais sur l'acte de naissance de sa fille Anna en 1913 et sur celui de son garçon Désiré en 1915, le prêtre avait inscrit qu'il était industriel.

Dans son autobiographie, Gabriel Dicaire évoque sa jeunesse sur la rue Saint-Augustin où il décrit son voisinage immédiat.

Gabriel Dicaire, debout à droite
1938
Photo tirée de son autobiographie, Les chemins de ma vie, à compte d'auteur

Je le cite:  "Notre voisin le plus original était sans contredit le bonhomme Fafa, comme nous l'appelions.  Josaphat possédait, en face de notre cour, un grand champ pour la culture de ses légumes.  Il possédait aussi deux vaches.  Nous lui achetions deux pintes de lait chaque jour, à dix cents la pinte.  Il était toujours mal atriqué.  Maman se moquait de lui parce qu'il attachait ses culottes avec des grosses épingles à ressort.  Jamais de boutons.  Il n'a jamais travaillé ailleurs que sur son lopin de terre (dans les souvenirs de Gabriel).  Sa femme, toute menue et presque toujours malade, était la bonté même.  Ils étaient pauvres mais pas miséreux.  On aimait beaucoup Anna, leur fille infirmière, belle et intelligente, qui soignait nos bobos.     Les chemins de ma vie, Gabriel Dicaire (à compte d'auteur).

Sur la photographie qui suit, nous voyons que le potager de monsieur Fafa est clôturé, je dirais presque palissadé, du côté de la maison des Dicaire et le long de la rue Saint-Augustin et dans la cour-arrière de sa maison, on aperçoit l'espèce de shed à deux étages où il gardait ses deux vaches dans la partie basse.  Accrochés au treillis de la clôture séparant sa cour-arrière de son potager, des concombres sauvages poussaient abondamment.


Détail d'une carte postale - 1943
Source:  BAnQ


La maison de Josaphat Provost
sur la rue Saint-Louis
Il habitait le premier étage avec sa famille et louait le rez-de-chaussée
Photo:  Michel Jutras 2014

Les souvenirs que Gabriel Dicaire conserve de monsieur Fafa datent probablement du début des années '40.  À ce moment, Josaphat Provost a près de 70 ans et il ne travaille désormais que dans son jardin.  Il s'occupera de son potager jusqu'à son décès en 1950.

À la fin des années '50, je me souviens vaguement d'un homme qui piochait dans le même jardin et qui avait encore une vache dans une espèce d'appentis à l'arrière de la petite épicerie au coin des rues Saint-Augustin et de la Plage mais ce n'était pas monsieur Fafa... ou peut-être que oui... qui sait !

Puis le potager a été abandonné et rapidement ce lopin de terre est devenu le champ de la rue Saint-Augustin où poussaient les herbes hautes, les chardons et les pissenlits géants.  C'est en piquant à travers ce champ que dorénavant nous pouvions rejoindre la rue Saint-Louis en passant entre les maisons bordant celle-ci.

Entre les rues Saint-Augustin et Saint-Louis, donnant sur la rue de la Plage,  il y avait aussi une petite maison d'un seul étage avec un toit légèrement en pente qui ressemblait davantage à une shed qu'à une habitation.  Une famille y vivait dans des conditions d'immense pauvreté.   Quand cette maison fut abandonnée par ses occupants, nous allions y fouiner mes amis et moi jusqu'au jour où elle fut démolie.  C'est en partie sur ce terrain que fut construite quelques années plus tard la maison d'Armand Lortie.


Détail d'une carte postale - 1943
Source:  BAnQ

Un peu en retrait de la maison des Dicaire, au nord de celle-ci, on aperçoit la petite shed où mon grand-père, Albert Jutras, gardait lui aussi une vache dont il tirait le lait pour les besoins de sa famille.  Entre 1910 et 1950, nombreux étaient les habitants de l'Autre bord du lac qui avaient une ou deux vaches sur leur terrain et parfois un cochon.