Au coeur de l'Autre bord du lac - 1943

Au coeur de l'Autre bord du lac - 1943
Source: BAnQ - détail d'une carte postale 1943 - numérisation Gaston Gravel

lundi 19 novembre 2018

Le hockey dans la rue

La rue Saint-Augustin est un chat qui fait le dos rond.  Sur sa partie la plus élevée, il y a comme un plateau juste devant les Boutet et les Desroches et c'est là qu'on jouait au hockey après souper.

Fallait d'abord se donner rendez-vous, le faire savoir à tout le monde, désigner les deux capitaines qui, par la suite, choisissaient à tour de rôle leurs joueurs.  Les meilleurs étaient pris en premier, les moins bons en dernier.

C'est qui qui goale à soir?  

Y-a personne qui veut goaler?  

Bon, OK Chouinard, tu vas goaler!  

On lui attachait deux catalogues Eaton sur le devant des jambes et avec le hockey de goaleur que nous avions fabriqué avec le manche d'un vieux bâton de hockey et une palette en plywood boltée sur ce manche improvisé, nous avions notre goaleur !

Les buts étaient faits de deux blocs de glace à chaque bout de cette partie de la rue Saint-Augustin.  Puis on se donnait un nom d'équipe et des noms de joueurs.  J'ai souvent joué en tant que Stan Mikita.     Mais les glus grands étaient là aussi:  Jean Béliveau, Maurice Richard, Gordie Howe, Jacques Plante.

Nos bâtons de hockey étaient ce que nous appelions des bougons c'est-à-dire des restes de hockey souvent trop courts, cassés, avec des moitiés de palette mais ça faisait l'affaire puisque personne n'avait de hockey neuf.

Et la partie pouvait débuter !

Aie, Dion, on a dit qu'on n’avait pas le droit de jouer du cul!

Ah non, un char s'en vient!  

Tassez les buts, il va les écraser!  

OK on recommence.

Ça durait jusqu'à ce que nos mères sortent sur les galeries pour nous crier de rentrer, qu'il était assez tard.

Les pieds gelés dans nos bottines de feutre recouvertes de bottes en caoutchouc, on rentrait les joues rouges, les mains froides et le coeur heureux.



Tiré de mon recueil de petites histoires L'Autre bord du lac, publié aux Éditions d'art Le Sabord en 2011


LA DÉFENSE


Le décision était sans appel
tu vas jouer à la défense
m’avait dit le mariste sportif
après m’avoir vu patiner

faut dire que c’était la première fois
que je mettais des patins
ceux que matante Gracia
avait donnés à mon père
des 11 
alors que je portais des 6

moi qui aimais le hockey
dans la rue 
avec ses bandes en bancs de neige
ses buts en blocs de glace
ses pads en catalogue Eaton
sa technique jouer du cul
et Stan Mikita
je trouvais que ça sentait fort
la chambre des joueurs

on m’avait conseillé
après le premier entraînement
de m’acheter des jambières, des gants
et un vrai bâton de hockey
comme si le bougon que mon père
avait trouvé dans les poubelles
ne faisait pas l’affaire
pour jouer à la défense

pour la première partie
j’étais quand même bien équipé
des gants des Maple Leafs
des bas du Canadien
un vrai bâton de hockey
et des 11 dans les pieds
et ça 
personne n’en avait

coup de sifflet
instrument d’enfer
tout le monde sur la glace
je prends ma position à la défense
du moins celle que je croyais être la bonne
c’est-à-dire à la droite du gardien
qu’ils y viennent juste pour voir
prêt à défendre mon cerbère
coûte que coûte

mais le mariste entraîneur
me fit de grands signes en criant
monte en avant, en avant
alors que je devais défendre le gardien
je n’y comprenais plus rien

à la reprise, c’est ce que je fis
en avant toute
mais voilà mon coach de mariste
qui me crie
en arrière, en arrière
défense, défense

comment ça se fait 
que j’aimais tellement ça le hockey 
dans la rue


dimanche 24 juin 2018

RALT-TV

Claude Rochette était dans ma classe en 4e année.  On "voyageait" ensemble pour aller à l'école: une distance de 1,5 km entre l'Autre bord du lac et le collège Saint-Zéphirin, quatre fois par jour.  On avait donc du temps pour niaiser en masse.


En 1961, la classe de Martha Daneault
au collège Saint-Zéphirin

On va avoir un poste de télévision !
Comment ça un poste de télévision ?
Un poste de télévision, avec des caméras, un vrai poste de télévision comme à la TV.
Où ça ?
Chez-nous !

Je me disais que ça ne se pouvait pas.  Un poste de télévision chez les Rochette ?  En passant Le Nouvelliste, je voyais bien qu'il se préparait quelque chose au deuxième étage de la maison de Roger Rochette sur la rue Gouin, mais un poste de télévision... 

Claude Rochette se rappelle:


"Mon père était vendeur chez Hillier (un magasin de vêtements), il animait à la radio CFLM, il était chef d'orchestre, organisateur et dirigeait le journal L'Éclair, un hebdomadaire qu'il avait fondé, et la fameuse station de télé qui opérait au 2e étage du 348 rue Gouin.  En 1963, mon père est hospitalisé plusieurs semaines pour épuisement professionnel. Mon frère Pierre et moi avons dû prendre la relève et agir à titre de caméramen, régisseur et metteur en onde. On avait même la charge de voir à ce que la machine à liqueurs ne manque de rien."


Source:  Pierre Cantin, LTGLE

Chez-nous, quand on ouvrait notre belle TV Dumont et qu'on tournait la roulette des postes sur le 9, on entendait la voix de Claude Landré qui disait: «Neuf, neuf, neuf, tout est neuf au 9. Ne soyons pas vieux-jeu, optons pour du neuf en regardant RALT-TV, canal 9, La Tuque».





Claude Landré, Réjean Michaud, Marie-Marthe Rivard
source:  Claude Rochette, provenance des photos: Claude Landré

Claude Landré et Marie-Marthe Rivard
source:  Claude Rochette, provenance des photos: Claude Landré


Marie-Marthe Rivard
source:  Claude Rochette, provenance des photos: Claude Landré

C'était bien beau un poste de télévision dans notre quartier mais quand le chapelet en famille a été mis à l'horaire, les soirs de la semaine à 07:00 et que mon père s'est mis dans la tête que c'était une bonne idée de se mettre à genoux dans le salon devant la TV avec pepére, là on trouvait ça moins drôle!  Au beau milieu de la partie de "bride" chez Desroches, fallait tout lâcher pour quelques dizaines de "Je vous salue Marie"... bon, ça n'a pas durer... ma mère s'en est mêlée et pepére est resté tout seul dans le salon...

L'abbé Gilles Poisson dans le studio de RALT-TV
source:  Claude Rochette, provenance des photos: Claude Landré

Le poste de régie avec Claude Landré et Réjean Michaud
source:  Claude Rochette, provenance des photos: Claude Landré


La dernière fois que j'ai vu Claude Rochette, c'était au printemps '67. Nous étions partis de La Tuque pour Montréal vers 5 heures du matin en autobus avec un groupe de l'école Champagnat. Nous allions visiter l'Expo '67. Ce fut ma dernière sortie avec mon copain de l'Autre bord du Lac. Quelques mois plus tard, si ma mémoire est bonne, la famille Rochette a déménagé à Mont-Carmel où CKTM-TV avait ses studios.


1975, CKTM-TV 13 Mont-Carmel
Voici quatre réalisateurs: Gilles Barbeau, André Houde, Roger Rochette et Roland Fafard
Photo déjà publiée sur Trois-Rivières illustrée par Roland Fafard


Puis un jour, à l'Expo de Trois-Rivières, appuyé sur la clôture protégeant un caroussel pour les enfants, alors que je faisais de grands signes de la main à notre fille Annie-Claude qui devait avoir 3 ou 4 ans, je vis sur ma droite un autre papa qui faisait la même chose que moi.  Quand Annie-Claude passait devant nous, je lui criais "Annie-Claude ! C'est beau Annie-Claude !" et là, le père à côté de moi me dit:  "Vous connaissez ma fille?"  Non, non, je fais signe à ma fille, la petite rousse là-bas.    Et il me répond, non, non, la petite rousse, c'est la mienne !  Et du coup, je le regarde dans les yeux et je lui dit:  "Claude... Claude Rochette..."  Nous étions tous les deux, sur le bord d'une clôture, à faire des "bye-bye" à nos deux filles, portant le même prénom, Annie-Claude, rousses toutes les deux et nées la même année.