Au coeur de l'Autre bord du lac - 1943

Au coeur de l'Autre bord du lac - 1943
Source: BAnQ - détail d'une carte postale 1943 - numérisation Gaston Gravel

mardi 26 août 2014

Windigo river

Chaque été, la division Woodland de la Canadian International Paper engageait des étudiants pour faire des travaux de sylviculture sur ses territoires de coupe.  Le travail n'était pas trop compliqué :  couper tout ce qui pouvait entraver ou retarder la pousse des épinettes de bonne grosseur;  mais envoyer dans le bois une trentaine de gars de 18 ans avec un seul contremaître et un cuisinier, c'était pas mal risqué !




Windigo

Bûcheron de cordes de bois
sylviculteur des temps modernes
pas compliqué
comme emploi d’été

le campement s'appelait Windigo river
un nom de Far West
qui sonne Apache
comme dans les vues

il y avait bien sûr le Cooper et le Belle plage
plus gros et plus importants
mais le nôtre avait un plus joli nom
Windigo river

la rivière était magnifique, sauvage et tourmentée
elle avait déjà servi de route à pitonnes
mais depuis que les compagnies
n'étaient plus sur son dos
elle avait retrouvé son âme 

encore clubée pour quelques années
elle se laissait braconnée avec bonheur
par des apprentis bûcherons
débarqués pour un été  

Windigo river avait des airs
de village abandonné
avec ses camps de papier noir goudronné
sa cantine de steak haché
et son comptoir à cigarettes

nous partions tous les matins à l’aube
couper du bois
assez vieux pour la hache et le sciotte
mais trop jeune pour la scie mécanique

nous avions dans notre équipe de coupe
un gars brillant, déjanté et un brin baveux
qui n’endurait pas les ordres
et encore moins le contremaître qui les donnait

son bonheur à lui était d’imiter
la guitare de Jimmi Hendrix
dans Star-Spangled Banner
tout en restant caché
sous un tas de branches de sapin
fumant ses rouleuses
pour éloigner les mouches

et cet autre pas vaillant
qui s'était fait mettre à la porte
un vendredi midi
et qui fut de retour le lundi
en expliquant sérieusement au chef de chantier
qu'il était le frère jumeau de l'autre
et que lui, au contraire de son frère
était doux et travaillant

nous  passions nos soirées à jouer aux cartes
à gager nos paies, à tirer au poignet
et à montrer les photos de nos blondes
elles qui nous attendaient en ville

mais qu'est-ce que tu sens bon
c'est quoi

de l'huile à mouche Tattoo


©  Michel Jutras






Été 1972 - camp Windigo river
à gauche, mon cousin René Cloutier
Les béquilles ... mauvais coup de hache au pied gauche



vendredi 15 août 2014

Rue Saint-Augustin

La rue Saint-Augustin a les pieds dans le p'tit lac et la tête dans la côte Saint-Michel.  Elle n'est pas très longue et comme un chat, elle fait le gros dos.  À son sommet, un court plateau pour le hockey dans la rue l'hiver et les rassemblements en bicycle les soirs d'été.

La rue Saint-Augustin est au coeur d'un des plus vieux quartiers de La Tuque, l'Autre bord du lac.  L'article qui suit est consacré à cette rue et à ses occupants de la première heure. C'est la rue où mon grand-père a bâti sa maison et où mon père et moi avons grandi.



La rue Saint-Augustin apparaît sur les plans de la ville à partir de 1914, mais elle porte la désignation temporaire de "Ave. D".  Aucune maison n'y apparaît encore, bien que les numéros de lots (préfixes seulement) y figurent.  À titre d'exemple, mon grand-père Albert Jutras a acheté en 1915 le lot 23-A-26, correspondant au numéro civique 42 à cette époque (aujourd'hui le 372).

On remarque également sur le plan de 1914 que les rues de l'Autre bord du lac devaient se prolonger au-delà de la rue Saint-Michel (désignée sur le plan comme la "Sixth") et même au-delà de l'avenue Brown.


Chas E. Goad Co. Toronto - 1914
Détail d'un plan  -  Source:  BAnQ

En 1955, sur un plan pour fins d'assurance de la ville, on y voit les dix maisons de la rue Saint-Augustin construites probablement entre 1914 et 1920 et peut-être même avant malgré qu'elles n'apparaissent pas sur le plan de 1914.


Insurance plan of the town of La Tuque
Underwriter's survey bureau limited - 1955
Détail d'un plan - Source:  BAnQ

Je vous les présente ainsi que leurs occupants en 1921, l'année du recensement.


En partant de la rue de la Plage, en direction Nord, côté Est.

Le 52 rue Saint-Augustin (aujourd'hui le 376)

Oscar Dicaire, né en 1895 et originaire de Hawkesbury, arrive à La Tuque en 1915.  Il se mariera quelques années plus tard avec Gracia Parent, la fille du chef de police Jos Parent.  En 1921, Oscar a 27 ans et il travaille comme Foreman à la Brown.  Ses revenus annuels sont de 1 100$.  Sa femme est âgée de 24 ans et elle a déjà trois enfants:  Eugène 3 ans, Laurent 2 ans et Fernando 5 mois.  Lors de sa construction, la maison appartient au docteur Vilandry, le médecin de la Brown, et elle n'a qu'un seul étage et un toit à quatre faces.  Elle sera agrandie de façon importante par Oscar Dicaire avec l'ajout d'un premier étage avec solarium et d'une grande galerie couverte.

Plus tard, le premier étage sera converti en logement qui sera occupé par la famille de François Frigon et ensuite par Siméon Grenier, son épouse Kate et son fils surnommé Ti-Vieux.

Lise, la fille de Bernard Dicaire et donc la petite-fille d'Oscar et Gracia, occupera le rez-de-chaussée de la maison dans les années  '80 et '90.


La maison d'Oscar Dicaire
Détail d'une carte-postale - circa 1940   source:  BAnQ

Photo:  Michel Jutras 2014



Le 48 rue Saint-Augustin (aujourd'hui le 372)

En 1915, Albert Jutras achète pour 200$ le lot 23-A-26 de la rue Saint-Augustin pour y bâtir sa maison.  En 1921, il a 38 ans et travaille à la Brown comme Pumpman.  Ses revenus annuels sont de  1 400$.  Il s'est marié en novembre de l'année précédente avec Lumina Duval de Saint-Roch-des-Aulnaies.  Lumina est âgée de 32 ans et c'est sa troisième épouse avec qui il aura cinq enfants par la suite:  Bertha, Fernande, Lionel, Lucien et Thérèse.  Lors du recensement, le couple vit avec Fernando, 15 ans, le fils d'Albert et de sa première épouse Marie Houle, Marie-Ange, 3 ans, la fille d'Albert et de sa deuxième femme Exavérina Fréchette, et enfin Denis Dubé 2 ans, le fils de Lumina et de son premier mari, Auguste Dubé.

La maison est petite et rapidement, mon grand-père y ajoutera une annexe qui servira de cuisine et où une salle de bain sera aménagée ainsi qu'une trappe au plancher pour descendre à la cave.  En 1952, il construira un appentis derrière cette annexe qui servira de remise et que nous désignerons affectueusement la cabane.



La maison d'Albert Jutras - circa 1950
Archives familiales

Photo:  Michel Jutras - 2014


44 rue Saint-Augustin (aujourd'hui le 368)

Octave Gagnon est bûcheron, il a 33 ans et ses revenus sont de 1 400$.  Nous sommes en 1921.  Avec sa femme Alma, âgée de 23 ans, il ont eu deux enfants, Lucianne 4 ans et Floriant 3 ans.  

Cette maison possédait un immense hangar dans la cour arrière et une allée en mâche-fer y donnant accès.  Elle était recouverte, comme toutes les maisons de la rue Saint-Augustin, de bardeaux de cèdre sur lesquels était appliquée une peinture rouge-vin très populaire à l'époque.

Par la suite, cette maison sera occupée par la famille de Aimé Jean puis par Bernard Rochette marié à Marguerite O'Farrell qui demeurait juste en face.  Finalement, la maison sera vendue en 1952 à Rodolphe Mercier qui s'est marié avec Dorothy O'Farrell quelques années auparavant.  Ensemble, ils ont eu une fille, Évelyne, qui fut une de mes premières amies d'enfance et qui habite encore la maison familivoisine de la nôtre.

La maison d'Octave Gagnon
Détail d'une photo de Roland Boudrault
Début des années '60

Photo:  Michel Jutras - 2014


40 rue Saint-Augustin (aujourd'hui le 364)

Cette petite maison d'un étage et demi est occupée en 1921 par William Gravel qui a 37 ans et travaille comme Stockkeeper.  Ses revenus pour l'année sont de 1 600$.  La famille de William Gravel et de son épouse Joséphine compte 10 enfants:  Rose 16 ans, Yvonne 15 ans, Marie 13 ans, Arthur 12 ans, Marie-Louise 11 ans, Hector 7 ans, Horace 6 ans, Marc 3 ans, Émile 2 ans et Simone 3 mois.

La maison comprend également un logis de trois pièces au premier étage dont le numéro civique est le 42.  Ce logement est occupé par Louis Laflamme, son épouse Palmina et leurs deux enfants, Fernand et Yvette.  Louis Laflamme est journalier et ses revenus ont été de 1 400$.

Cette maison sera habitée plus tard par les familles Beaudin au rez-de-chaussée et Gravel au premier étage.  Aujourd'hui, ce sont deux des enfants de Clément et Rita Fortin qui en occupent respectivement le rez-de-chaussée et le premier étage.


La maison de William Gravel
Détail d'une carte-postale - circa 1940    source: BAnQ

Photo:  Michel Jutras - 2014


36 rue Saint-Augustin (aujourd'hui le 360)

En 1921, Alphonse Séguin, 41 ans, est marié à Florilda qui a 10 ans de moins que lui.  Ils ont cinq enfants:  Joseph 11 ans, Léonidas 6 ans, Adrien 3 ans, Roland 2 ans, Paul-Émile 6 mois.  La maison d'un étage et demi possède une grand galerie à l'avant.  Dans la cour arrière, est construit un grand hangar à deux étage où nous avons si souvent joué aux cowboys.

Cette maison sera occupée dans les années '50 à '70 par la famille Desroches.  Voir l'article La shed chez Desroches.


La maison d'Alphonse Séguin
Détail d'une photo de Roland Boudrault
Début des années '60

Photo:  Michel Jutras - 2014


32 rue Saint-Augustin (aujourd'hui le 356)

Au moment du recensement de 1921, Joseph Charland était Foreman à la Brown et il avait 46 ans.  Cette année-là, ses revenus sont de 1 800$.  Alice, son épouse, avait 46 ans elle-aussi.  Neuf enfants habitent avec eux:  Johnny 25 ans, Welly 19 ans, Austin 18 ans, Cécile 17 ans, Blanche 15 ans, Georges 14 ans, Gabrielle 12 ans, Germaine 11 ans, Armand 9 ans.

Johnny qui travaille comme électricien déclare des revenus de 1 900$ soit 100$ de plus que son père alors que Welly, qui a dix-neuf ans, a gagné 700$ dans l'année. 

C'est le plus jeune de la famille, Armand, marié à Gemma Beaulieu, qui conservera la maison pour y élever sa famille.  Cette maison avait ceci de particulier:  elle n'avait pas d'entrée charretière sur la rue Saint-Augustin.  Il fallait emprunter une entrée mitoyenne donnant sur la rue Saint-Michel pour avoir accès à la cour et au garage.


La maison de Joseph Charland
Détail d'une photo de Roland Boudrault
Début des années '60

Photo:  Michel Jutras - 2014


En partant de la rue de la Plage, en direction Nord, côté Ouest.

51 rue Saint-Augustin (aujourd'hui le 369)

Joseph Bouchard a 48 ans.  Il est journalier et locataire de la maison du 51 rue Saint-Augustin.  Son épouse Marie-Louise a 43 ans.  Les revenus de Joseph sont de 1 300$ pour l'année.  Ils ont dix enfants à la maison.  Antonio 24 ans et Abraham 23 ans sont bûcherons.  Ils ont gagné respectivement 1 200$ et 900$ dans l'année.  Ludger  qui a 21 ans est menuisier et ses revenus ont été de 1 200$.  Puis, suivent Lucia 19 ans, Annette 17 ans, Bernadette 15 ans, Lucienne 13 ans, Aurore 11 ans, Jorenne 6 ans et Yvette 4 ans.  Les revenus de la famille Bouchard sont donc les plus élevés de la rue Saint-Augustin.

Lors de sa construction, la maison du 51 rue Saint-Augustin n'a qu'un seul étage et compte cinq pièces.  Elle sera agrandi d'un étage complet lorsque Eugène Martel en deviendra propriétaire.  Il y habitera avec sa soeur Fernande de très nombreuses années.  Ils étaient voisins de leur frère Léger Martel dont la maison donnait sur la rue de la Plage, juste à côté.  Au moment du recensement en 1921, Léger,  Eugène et Fernande Martel demeurent avec leur père sur la rue Saint-Louis, au coin de la rue Saint-Georges.


La maison de Joseph Bouchard
Détail d'une carte-postale - circa 1940   source:  BAnQ

Photo:  Michel Jutras - 2014


367 rue Saint-Augustin

En 1921, les Fortin ne sont pas encore installés sur la rue Saint-Augustin mais quelques années plus tard, ils habiteront le rez-de-chaussée du 361, la maison qu'occupait le boulanger Langelier lors du recensement.  À la fin des années '50, Clément Fortin fera bâtir la sienne sur le terrain adjacent et sa maison portera le numéro civique 367.  Je considère que cette maison, même si elle n'a pas été construite entre 1914 et 1920, fait partie de l'histoire de l'Autre bord du lac.  Elle est la onzième maison de la rue Saint-Augustin.



La maison de Clément Fortin
Photo:  Michel Jutras - 2014


41 rue Saint-Augustin (aujourd'hui le 361)

Honorius Langelier a 33 ans.  Il est boulanger et gagne 1 800$ par année.  Sa femme Anna a 35 ans et leurs enfants ont moins de dix ans:  Anna-Rosarie 7 ans, Gérard 5 ans, Maurice 4 ans, Raymond 1 an.

Cette maison abritera un certain temps la famille de Clément Fortin et lorsque celui-ci construira la sienne juste à côté, c'est John O'Farrell qui s'y installera avec sa femme.

Le maison compte aussi un logis au premier étage qui est occupé en 1921 par François Cauchon, 34 ans, sans travail.  Il y vit avec sa femme, Blanche, qui a 32 ans.  Ils n'ont pas d'enfants avec eux.  Dans les années '60, le policier René Dion s'y installera avec sa nouvelle épouse et son fils Marcel.

Au sous-sol, il y avait également un logement qui fut, quelques années, occupé par d'autres Fortin, parents avec la famille de Clément.



La maison d'Honorius Langelier
Détail d'une photo non datée
Source:  Centre interuniversitaire d'études québécoises (CIEQ)

Photo:  Michel Jutras - 2014


35 rue Saint-Augustin (aujourd'hui le 359)

Frank O'Farrell, 34 ans, Foreman à la Brown, est marié à Mary, 34 ans. Cinq enfants sont avec eux:  Dorothy 9 ans, Iris 7 ans, Marguerite 4 ans, Edna 3 ans et Charlotte 7 mois.  Dans l'année, monsieur O'Farrell a gagné 1 800$.  Le recenseur note que l'origine raciale des occupants est Irish canadian.

C'est Léo Boutet, qui habite en 1921 avec ses parents sur la rue Saint-Honoré, qui fera l'acquisition de la maison des O'Farrell pour s'y installer avec sa femme Rita Patry et leurs enfants, Andrée, Alain, Joanne, Line et Manon.



La maison de Frank O'Farrell - 1952
Archives familiales

Photo:  Michel Jutras - 2014


27 rue Saint-Augustin (aujourd'hui le 353 agrandi avec le 357)

Antoine Tremblay a fait bâtir sa maison sur un grand terrain qui lui permettra de l'agrandir par l'ajout d'un logement qui portera plus tard le numéro civique 357.  En 1921, il a 36 ans et travaille comme journalier.  Ses revenus annuels sont de 1 700$.  Son épouse Hélène est âgée de 40 ans et ils ont un fils, Armand, qui a 15 ans et travaille déjà comme commissionnaire.  Il a même gagné 700$ dans l'année.  Ils ont aussi une fille, Lucille, âgée de 9 ans.

Je voyais souvent le vieux monsieur Tremblay partir de chez-lui à pied, portant son habit noir et son chapeau, et s'appuyant sur sa canne, monter en ville pour aller passer l'après-midi avec mon grand-père sur le banc des vieux devant l'ancien bureau de poste.

Dans le logement ajouté à sa maison, si je me souviens bien, vivait sa fille Lucille.



La maison d'Antoine Tremblay
Détail d'une photo non datée
Source:  Centre interuniversitaire d'études québécoises (CIEQ)

Photo:  Michel Jutras - 2014




Note:  

les renseignements nominatifs contenus dans cet article proviennent du recensement canadien de 1921.  Source:  Bibliothèque et Archives du Canada.  

Les faits et les descriptions font partie de mes souvenirs et de ceux de ma famille. Ils peuvent donc être sujets à interprétation.


dimanche 3 août 2014

Les Dubord

Arthur Dubord, originaire de Saint-Lambert-de-Lévis, est arrivé à La Tuque avec sa femme, Victoria Roy, en 1920 et ils se sont installés dans un logement de quatre pièces au 84 de la rue Tessier, aujourd'hui le 358.

Comme beaucoup de ses contemporains, Arthur Dubord avait lui aussi trouvé du travail à la Brown.    Victoria Roy était veuve quand elle a pris pour époux Arthur Dubord.  Elle avait eu avec Pierre Gaudreau (Peter Goodrow), son premier mari, trois enfants:  Pierre, Claire et Raymond, tous les trois nés aux États-Unis.  Avec son deuxième mari, Arthur Dubord, elle eut d'abord une petite fille, Yvette, décédée en bas âge puis elle eut trois autres enfants:   Irène, Dorothy et Yvette.

Raymond Dubord, mon beau-père, apparaît à l'avant sur le tricycle
Photo prise sur le terrain de la Brown, du côté ouest de la rue Tessier
vers 1925
Photo:  Archives familiales

Plus tard, Arthur Dubord emménagea avec sa famille dans une belle grande maison de la rue Saint-Louis, au pied de la côte.

La maison du 114 rue Saint-Louis
(aujourd'hui le 424)
Photo:  Archives familiales

Arthur Dubord et sa famille
Son fils Pierre est absent sur la photo
Photo:  Archives familiales

Pierre Dubord devant un panneau de contrôle
du département de blanchiment de la Brown
14 novembre 1949
Source:  Plymouth state university, Collection Brown corporation

Habitant de l'Autre bord du lac, il était donc naturel que Raymond Dubord y rencontre une jeune fille du même quartier.  Gilberte Dion était née à Québec dans Limoilou et son père Albert Dion, marié à Olivine L'Étoile, déménagea à La Tuque pour s'engager comme peintre en bâtiment à la Brown.  Ils s'installèrent eux aussi sur la rue Tessier, tout près de chez Arthur Dubord.  Raymond Dubord maria donc Gilberte Dion, tous deux de l'Autre bord du lac et ils eurent ensemble six enfants:  Micheline, Gilles, Yves, Suzanne, Claude et Sylvie.

Raymond Dubord et Gilberte Dion
le jour de leur mariage le 10 août 1940
Photo:  Archives familiales

De gauche à droite:  Claire Dubord, Georges Duchesneau,
Raymond Dubord, Gilberte Dion, Victoria Roy et Arthur Dubord
1940
Photo:  Archives familiales

Photo de famille au 114 rue Saint-Louis
vers le milieu des années '40
Photo:  Archives familiales

Raymond Dubord a travaillé presque toute sa vie chez Georges-Gagnon chaussures de la rue Saint-Antoine.  Tout le monde à La Tuque connaissait mon beau-père et appréciait être chaussé par lui.

Raymond Dubord (quatrième à partir de la gauche)
entouré des employés du magasin
Photo:  Archives familiales

Le magasin Georges-Gagnon chaussures en 1961
Photo:  Archives familiales

Raymond Dubord et sa jeune famille ont habité un certain temps un logement de la rue Saint-Antoire, à l'arrière de l'épicerie Bertrand,  puis il acheta en 1954 une petite maison blanche au 742 de la rue Joffre.


Le 742 rue Joffre


Bien des années plus tard, sa fille Suzanne allait marier un gars de l'Autre bord du lac.

2 septembre 1972

J'ai écrit ce petit texte pour elle. (Extrait de L'Autre bord du lac publié aux Éditions d'art Le Sabord en 2011).


Rousse

Elle était rousse
couleur de feu
couleur de braise
rousse
à faire damner les inquisiteurs

elle marchait
au milieu de sa meute
sûre d’elle
vers son école de filles

elle était rousse
jusqu’aux yeux
et derrière ses lunettes
manière noire
elle ne le voyait pas 
il en était sûr

une fille
de l’autre bord de la track
ne s’intéresse pas
à un gars de l’autre bord du lac

il était roux
acajou
et marchait seul
vers son école de gars

il était roux
jusqu’aux yeux
et elle en était sûre
il ne la voyait pas
un gars de l’autre bord du lac
ne s’intéresse pas
à une fille de l’autre bord de la track

comme dans une équation
à deux inconnues
leurs chemins et le temps
allaient faire le reste

©  Michel Jutras