Au coeur de l'Autre bord du lac - 1943

Au coeur de l'Autre bord du lac - 1943
Source: BAnQ - détail d'une carte postale 1943 - numérisation Gaston Gravel

mercredi 7 décembre 2016

La petite épicerie

Josaphat Provost demeurait sur la rue Saint-Louis et possèdait un immense terrain à l'arrière de sa demeure où il entretenait un grand potager.  C'est sans doute lui qui a construit, sur son terrain, le petit bâtiment recouvert de crépi blanc du 20 rue du Lac (aujourd'hui la rue de la Plage).


Carte postale 1945
Source:  BAnQ, collection Magella Bureau

Une chose est sûre, en 1943 la petite épicerie n'est pas encore construite comme en témoigne cette magnifique carte postale datée de cette année-là.


Carte postale 1943
Source:  BAnQ

Et en 1944, elle n'apparaît pas non plus sur cette autre photographie.


1944
Source:  Appartenance Mauricie

Toutefois, le 1 mai 1947, Josaphat Provost loue son petit bâtiment à Alberté Fortin, qui déclare être restaurateur-épicier.  Sa construction a donc eu lieu en 1945 ou 1946.

Mais ce petit commerce au coin des rues Saint-Augustin et du Lac n'est sans doute pas très rentable puisqu'Alberté Fortin le remet en vente quelques mois plus tard.

Le 11 septembre 1947, mon père Lucien Jutras, qui a 21 ans et demeure tout près, achète d'Alberté Fortin le fonds de commerce de la petite épicerie-boucherie.  Mon père travaillait alors chez le quincailler F.-X. Lamontagne et il adorait le commerce.  Il décide donc de se lancer en affaires.  Son père Albert Jutras, qui travaille comme pumpman à la Brown depuis 1915,  n'est pas très chaud à l'idée.  Il lui donnera un seul conseil:  "Lucien, ne fais pas crédit ou si tu le fais, au moins assures-toi de toujours collecter un petit montant à chaque semaine même si c'est juste 25 cennes".

Mon père passe donc chez le notaire J.-M. Grégoire et achète le fonds de commerce pour la somme de 2 000$, ce qui était énorme à l'époque.  La transaction comprend l'achalandage, des tablettes, une balance et un bicycle de livraison.  Josaphat Provost, qui intervient dans la transaction à titre de propriétaire de la bâtisse, accepte le transport du bail d'Alberté Fortin en faveur de mon père.  

Tout le monde est heureux.




Mais ce qui devait arriver... arriva.  Mon père travaillait jour et nuit dans son petit commerce, ses clients l'adoraient mais il leur faisait souvent crédit contrairement aux recommandations de son père.  Un an plus tard, il dut se résoudre à remettre les clés de la petite épicerie qu'il aimait tant.

Ce sont les deux frères Duchesneau, Georges et Fedor, qui rachetèrent le petit commerce puisqu'en juillet 1949, dans le botin téléphonique, l'épicerie y est inscrite comme étant le commerce de Duchesneau et Frères, épicier-boucher, au 20 rue du Lac, téléphone 707.

Selon France Poirier, Jean-Claude Massicotte et sa soeur Monique qui habitaient chez ses grand-parents à leur arrivée à La Tuque, auraient également été propriétaires de la petite épicerie, sans doute l'avaient-ils rachetée des frères Duchesneau mais cela reste à confirmer.

Quoiqu'il en soit entre 1959 et 1963, la petite épicerie apparaît toujours sur certaines photographies.


Vers 1959
Photo:  Roland Boudrault


Vers 1960
Photo:  Roland Boudrault


1961
Source:  dépliant promotionnel de La Tuque

Mais en 1964, elle n'y est plus.  Le bâtiment a été acheté, agrandi et complétement réaménagé par Jean-Paul Tremblay qui résidait jusque-là sur la rue Saint-Louis.  Monsieur Tremblay y installera un petit atelier de réparation de téléviseurs et y habitera avec sa famille.

Voici la seule photo que j'ai de mon père Lucien Jutras derrière le comptoir de sa petite épicerie.


1947-1948
Archives familiales Michel Jutras

Aujourd'hui, la petite épicerie toute blanche n'y est plus mais son souvenir est toujours présent chez ceux et celles qui ont vécu l'Autre bord du lac.




samedi 19 novembre 2016

Glissades

On vas-tu glisser?

Oui mais où?

L'embarras du choix, vous dites !

D'abord la côte Saint-Michel.  Au centre, la grande côte pour tout le monde. La piste du côté Ouest, de travers, longeant les maisons de la rue Saint-Paul où les chiens esquimaux enchaînés à leurs cabanes voulaient nous manger.  La piste du côté Est réservée aux descendeurs les plus téméraires avec son lot de creux et bosses.


Source:  archives Pierrette Guillemette

Il y avait aussi la côte du couvent, ça voulait dire en arrière de la salle paroissiale, direction rue Saint-Georges. Trois dalots glacés qui descendent à la même vitesse !

Au parc Saint-Eugène, entre la rue du même nom et la track.  Plusieurs options, plus ou moins  larges et rapides, s'offraient à nous.  Nous les empruntions surtout au retour de l'école Champagnat pour gagner du temps mais rarement en d'autres occasions.

La côte de la Power House (prononcez parâsse).  C'était beaucoup plus loin et fallait attendre le samedi ou le dimanche pour y aller le jour, jamais le soir.  Et puis, on n'était pas sûr qu'on avait le droit d'y aller parce qu'il fallait approcher la maison du gérant de l'usine et ça ...


Avant 1940
Source:  Plymouth State University, Brown Company Collection

Bien des années avant, il y avait eu une vrai glissade à partir de la rue Beckler, glissade qui se comparait aisément à celle de la terrasse Dufferin à Québec.  D'une longueur de 3/4 de mille avec une pente de 15 degrés, complètement recouverte de glace, la descente ne durait que 40 secondes.  On s'imagine la vitesse atteinte !  On voit sur la photo précédente la côte de la Power House et la fameuse glissade de la rue Beckler.


The Brown Bulletin, mars 1921


Source:  Appartenance Mauricie et SHLT
Mais revenons aux années '60  pour dire comment nous aimions glisser pendant l'hiver.

Avec tout ou rien.

Avec un traîneau, sur des lisses en bois ou en métal, un guidon et une corde pour le traîner en remontant les côtes.




Avec des bouts de prélarts qui jadis avaient fait la fierté de bien des cuisines.  Sur le côté ciré, ça descendait vite.

Avec un branle-cul, un vieux ski surmonté d'un bout de 2x4 et d'une planche clouée sur le dessus.

Mais aussi avec des grandes tôles d'acier probablement des restants de toiture.  C'était dangereux, coupant et très très durs !

Puis sont arrivées les soucoupes volantes en aluminium !  Et là, tenez-vous bien parce que ça partait dans tous les sens.




De temps en temps, quelqu'un arrivait avec une belle traîne sauvage.  Celle d'Évelyne Mercier comptait cinq places et avait un beau coussin carreauté rouge.  Du style vous dites !  On s'empilait les uns sur les autres en évitant d'être placé le premier dans la traîne et hop, on pousse et envoye en bas ! Pour finir dans un grand tête-à-queue et un immense nuage de neige parce que le conducteur à l'avant avait sorti ses pieds trop vite du devant de la traîne.



Que du bonheur !



lundi 5 septembre 2016

La pêche aux brochets


Madame Fortin, l'épouse de Clément et la mère de mon copain Jacques, nous avait dit qu'elle préférait de beaucoup le brochet de lac plutôt que celui pêché dans les rivières.  Je n'ai jamais su pourquoi au juste mais sans doute que ceux que lui rapportaient ses garçons du lac Saint-Louis à deux pas de la maison de la rue Saint-Augustin étaient, comment dire, on ne peut plus frais.




Le p'tit lac a déjà fait le bonheur des pêcheurs de brochets mais c'était avant que ses berges ne soient bétonnées pour commémorer le  cinquantenaire de fondation de la ville.  J'entends déjà les sceptiques: "Du brochet au p'tit lac, impossible !"

Pourtant nos voisins en prenaient régulièrement et mon père, Lucien Jutras, m'y a emmené à quelques reprises.  Il louait une chaloupe Verchère au P'tit bateau et nous partions vers le côté nord du lac où nous laissions traîner à l'arrière une grosse ligne verte au bout de laquelle nous avions attaché un belle trôle Daredevil rouge et blanche et un bon gros plomb.



Nous n'avions pas de canne à pêche et quand ça mordait, nous devions tirer un bon coup sur la ligne et espérer que le brochet y reste accroché.  On le rapportait à la maison et c'est mon grand-père qui s'en occupait, le vidait et l'écaillait.



Vers 1955, photo:  Roland Boudrault


Sur la page du groupe "La Tuque, des gens, des lieux, des époques" quelques témoignages y ont été inscrits en 2014.

Gaston Gravel
"Je me souviens d'avoir vu pêcher un des frères Gravel qui demeuraient sur la rue Saint-Louis (voisin des Fortier) en face de la Légion."

Denis Gaudet
"Il y avait réellement des brochets dans ce lac.  Je parle des années 1956-1957."

"Moi, c'était mon oncle Germain que j'ai vu prendre des brochets du temps où je restais chez grand-maman Boudreault, juste en haut dans ce que je crois être l'ancien presbytère (selon mon père Adrien)".

Keith Gorham
"D'accord avec Michel et Gaston... moi aussi j'ai vu les frères Gravel prendre des brochets (des gros à part ça !).  Comme expication... ils avaient sûrement été plantés là (cherchez par qui) ..."

Ronald Delisle
"Pour les sceptiques, j'ai vu ce matin une photo de Gérard Brûlé le montrant avec un gros brochet pris dans le lac Saint-Louis."


Le brochet, sur la photo qui suit, n'a probablement pas été pris au p'tit lac... quoique ...


Chez le quincailler J.-O.-Lejeune
Source:  photo publiée par Pierre Cantin sur la page
La Tuque, des gens, des lieux, des époques












mercredi 27 avril 2016

48 Saint-Augustin

Voici le récit librement inspiré et illustré de la vie ordinaire mais invraisemblable d'Albert Jutras né à New Bedford en 1882.    Mon grand-père est arrivé à La Tuque en 1914 et a construit sa maison sur la rue Saint-Augustin.  Mon père Lucien Jutras y est né et moi aussi.




Voici le lien vers iBooks :

https://itunes.apple.com/ca/book/48-saint-augustin/id1107762434?l=fr&mt=11

Bonne lecture !

Michel Jutras, petit-fils d'Albert Jutras.

mercredi 20 avril 2016

Le p'tit bateau

Le p'tit bateau du lac Saint-Louis a longtemps été une icône pour la ville de La Tuque, du moins pour nous de l'Autre bord du lac.  C'est au p'tit bateau qu'on allait s'acheter un chip Yum Yum ou un coke en bouteille dans l'eau glacée du frigidaire à liqueurs.

Alouette, c'était le nom du p'tit bateau.
En 1957.   À l'avant-plan, Carmen Duplantie et Fleurette Rivet.

C'est au p'tit bateau aussi que mon père louait une chaloupe verchère pour nous emmener à la pêche aux brochets du côté nord du lac.  C'était bien sûr bien avant l'aménagement des berges en vue du cinquantième anniversaire de la ville.

Mais le p'tit bateau n'avait pas toujours été là contrairement à ce que nous croyions.

En 1925, il n'y est pas comme en témoigne cette photo.


Bibliothèque et Archives Canada, photo Canadien National, 1925

En 1945, le p'tit bateau n'y est pas non plus mais la plage est fréquentée par les baigneurs.


Photo tirée du Rapport annuel 1945 de la Ville de La Tuque.

C'est Joseph Chevrette, barbier sur la rue Saint-Louis à l'époque, qui construisit le p'tit bateau.

Dans les pages consacrées à sa famille dans le livre La Tuque, histoire de familles publié en 2011, on apprend qu'il a présenté son projet de construire un casse-croute en forme de bateau au gérant de la ville, Léo Archambault, qui aurait d'abord refusé parce qu'il s'agissait d'un parc municipal mais qui se serait ravisé par la suite pour finalement autoriser sa construction.   Comme Léo Archambault est arrivé à La Tuque en 1954 pour occuper le poste de gérant municipal, on pourrait raisonnablement croire que la construction du p'tit bateau  du lac Saint-Louis s'est faite en 1955.  Toutefois, une photo publiée dans le rapport annuel de la Ville de La Tuque en 1951 montre que sa construction est antérieure et remonte probablement à 1950.

Aldori Dupont rapporte effectivement dans son volumineux document sur les affaires municipales de La Tuque que c'est en février 1950 que Jos Chevrette s'adressa au Conseil de ville afin d'obtenir un permis exclusif pour cinq ans afin d'opérer un restaurant et des bateaux à pédales sur le petit lac.  Ce permis lui fut accordé évidemment.

Photo tirée du Rapport annuel 1951 de la Ville de La Tuque

Jos Chevrette construisit donc son casse-croute en forme de bateau.  Il y servait des hot-dogs, des hamburgers, des frites, des boissons gazeuses et de la crème glacée.   Et il avait installé un juke-box au grand plaisir de ses clients.


Début des années '50.
Source :  Histoire de La Tuque à travers ses maires, Lucien Filion
Éditions du Bien Public, 1977
À l'ouest du p'tit bateau, il y avait une petite maison sur la galerie de laquelle les clients pouvaient s'asseoir sur des chaises Adirondack et admirer le lac Saint-Louis.


La petite maison à l'ouest du p'tit bateau
avec sa galerie et ses chaises Adirondack.
Sur la photo :  Fleurette Rivet et Raoul Nadeau Jutras - 1957

Vers 1955.  Photo :  archives Roland Boudrault.
Source :  la page La Tuque, des gens, des lieux, des époques

Les pédalos de Jos Chevrette faisaient fureur.  Il les avait construits lui-même.  Les flotteurs étaient en bois recouverts de toile à canot et de résine.  

Les bateaux à pédales de Jos Chevrette en 1951.
Photo publiée par Gaston Gravel
sur la page La Tuque, des gens, des lieux, des époques.
À l'avant-plan, Michel, Nicole et Claudette Gravel.

Un peu plus tard, Jos Chevrette remplaça ses pédalos par des chaloupes qu'il louait à la demi-heure ou à l'heure.

Vers 1961.  Source :  archives de Roland Boudrault.


Vers 1958.  Lucien Jutras pose devant le bateau à moteur à bord
duquel il était possible de faire des tours sur le lac.

Une vue printanière du p'tit bateau alors que les booms
ont été déposés sur la plage pour l'hiver.
Vers 1955.  Source :  archives Roland Boudrault.



Une rare photo couleur du p'tit bateau au milieu des années '50.
Affichage original Pierre Cantin sur la page
La Tuque, des gens, des lieux, des époques.
Provenance :  Serge Bilodeau


Sur le pont arrière du p'tit bateau en 1957.
 De gauche à droite :  Carmen Duplantie, Lucien Jutras,
Fleurette Rivet et Raoul Nadeau Jutras.
Deux enfants à l'air espiègle observent le photographe.


Détail intéressant du p'tit bateau.
Photo :  Yves Desaulniers.  Affichage original Pierre Cantin
sur la page La Tuque, des gens, des lieux, des époques.


Pour le 50e anniversaire de la ville, le p'tit bateau fut remplacé par un bâtiment plus important à l'intérieur duquel il y avait une section restaurant et une salle de danse.   Le 0-100-20 était né !  Une salle de danse pour les jeunes où il n'y avait pas d'alcool... que de l'eau sans vin !


Probablement à l'été 1960.  Source : Appartenance Mauricie

Entre 1961 et 1963.   Carte postale, source :  BAnQ.
Affichage original par Gaston Gravel
sur la page La Tuque, des gens, des lieux, des époques. 


En 1961, trois  pêcheurs sur le lac Saint-Louis où 5 000 truites
avaient été ensemencées pour le cinquantième anniversaire de
La Tuque.
De gauche à droite :  Jos Chevrette, Larry Brown et Lucien Poitras.
Source :  archives Gary Brown

Source:  BAnQ, photo Henri Rémillard, 1972

Photo prise en 2010 par le regretté Yves Guillemette,
ami et fondateur de la page Facebook La Tuque, des gens, des lieux, des époques.